L’effervescence et les foules qui caractérisent aujourd’hui les célébrations de la Fierté à Montréal sont le résultat d’années de militantisme et de célébration des identités 2SLGBTQIA+. Les personnes issues de la diversité sexuelle et des genres ont toujours existé et iels ont toujours occupé des espaces publiques et ce, selon les normes, les limites et les possibilités de chaque époque. Le mouvement de libération des personnes queer n’est pas nouveau, mais c’est dans les derniers 60 ans qu’il a réussi à faire avancer davantage la reconnaissance des droits de nos communautés. Les célébrations de la Fierté s’inscrivent dans ce mouvement.
Montréal avait connu plusieurs manifestations contre les descentes policières « préolympiques » dans les années 70, mais le mouvement de la Fierté à Montréal n’a pas vraiment pris son envol avant la fin de la décennie. En octobre 1977, une cinquantaine de policier·ère·s montréalai·aise·s munis de mitraillettes font une descente au bar gai de la rue Stanley, le Truxx, et y arrêtent près de 150 personnes, accusées de s’être trouvées dans une “maison de débauche”. Cette perquisition et les protestations qui s’ensuivent – on compte 2000 manifestants le lendemain – amènent le gouvernement du Québec à modifier la Charte des droits et libertés pour y interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle lors d’un vote historique le 15 décembre. Cet amendement marque une première en Amérique du Nord et depuis, on réfère souvent à cette descente comme le « Stonewall montréalais. » Apprends-en davantage sur l’historique des luttes 2SLGBTQIA+ à Montréal, au Québec et au Canada dans cet article.
La première marche de la Fierté à Montréal a été organisée en 1979 par le militant gai (disparu en juin 2024) John Banks après avoir lu un article sur le 10e anniversaire de Stonewall. Il s’est joint à d’autres militant·e·s locaux·ales, comme Armand La Monroe, pour former la Brigade Rose : Guy Prezeau a obtenu un permis et, cette première année, 52 personnes ont marché sur le boulevard Saint-Laurent entre les rues Sherbrooke et Duluth. Les manifestant·e·s n’avaient pas de drapeaux arc-en-ciel, ils ont donc cousu deux draps ensemble, les ont teints en rose puis les ont coupés en triangle afin de l’afficher à la tête de la marche. L’année suivante, en 1980, la Brigade Rose comptait environ 250 marcheur·euse·s.
L’Association pour les droits des gais du Québec (ADGQ) a pris en charge l’organisation de la marche de la Fierté jusqu’en 1986. Entre 1987 et 1992, plusieurs comités ont ensuite organisé les défilés de la Fierté à l’intérieur et aux alentours du Village gai, qui occupait déjà l’espace qu’il habite aujourd’hui (le quartier entouré par l’avenue Sherbrooke au nord et le boulevard René-Levesque au sud, et les rues Berri à l’ouest et Papineau à l’est), toujours à la fin du mois de juin.
En juillet 1990, des policier·ère·s de la Communauté urbaine de Montréal font une descente lors d’une fête privée dans un loft du centre-ville, le Sex Garage. Les policier·ère·s, qui avaient retiré leur insigne, battent plusieurs fêtards à coup de matraque, menacent de faire feu sur quiconque quitterait les lieux sans escorte policière et arrêtent huit personnes. Le lendemain, près de 250 personnes se réunissent devant le poste de police 25 afin de dénoncer la brutalité policière et le profilage à l’égard des personnes queer. La réplique de la police est encore plus violente : 50 personnes sont arrêtées et subissent encore plus d’outrages alors qu’elles sont détenues par la police. Certaines sont battues si sévèrement qu’on doit les transporter à l’hôpital. Les journalistes et caméramans de la télévision captent et relatent les scènes de brutalité policière. Deux semaines plus tard, 2 000 manifestant·e·s défilent dans les rues de la ville jusqu’au parc Lafontaine, où se succèdent différents orateurs et artistes. En 1993, et en réponse aux événements du Sex Garage, Suzanne Girard et Puelo Deir cofondèrent Divers/Cité, et le premier défilé de la « Fierté lesbienne, gaie, bisexuelle, transsexuelle et travestie ». Cette première tentative attire plus de 5000 personnes, mais le nombre de participant·e·s et spectateur·rice·s passe à plus de 15 000 à la troisième édition. Plus de 100 000 personnes participent à l'édition de 2010 qui s’échelonne sur quelques jours. Le festival comprend plusieurs activités gratuites extérieures diverses, DJs, expositions, spectacles d'humour ainsi que des concerts de musique. À la fin 2006, Divers/Cité prend la décision de ne plus produire le défilé et de se concentrer sur le festival culturel, ce qui a mené à la création de Fierté Montréal en 2007. Divers/Cité met fin à ses activités en mai 2015, aux prises avec un déficit.
En 2007, Fierté Montréal (sous le nom de Célébrations de la fierté LGBTA) prend en charge l’organisation de la Fierté à Montréal à la suite de la décision de Divers/Cité de se retirer de l’organisation des événements communautaires. La première édition du Festival de Fierté Montréal a eu lieu les 28 et 29 juillet 2007. 1 500 personnes ont pris part à son premier défilé en 2007 et ont salué plus de 50 000 spectateur·rice·s amassé·e·s le long du boulevard René-Lévesque.
Depuis ses débuts, Fierté Montréal a adopté la minute de silence, d’abord proposée par Divers/Cité, pour rendre hommage aux pionnier·ère·s des communautés LGBTQ et en commémoration de toutes les personnes ayant perdu la vie trop tôt en raison du VIH/sida. Fierté Montréal a aussi été l’autrice de bien des innovations : le thème annuel, une remise de prix par un jury aux contingents s’étant les plus illustrés, la journée des enfants, et la nomination de président·e·s d’honneur locaux·ales et internationaux·ales, notamment de nombreux·euses militant·e·s LGBTQ qui œuvrent d’arrache-pied à organiser des événements de la Fierté dans leur pays.
Depuis 2007, le Festival Fierté Montréal n’a pas arrêté de grandir d’année en année et de rassembler en 2024 plus de 300 organisations allant du secteur communautaire 2SLGBTQIA+ à l’écosystème culturel, aux entreprises privées, aux sociétés d’état et aux institutions publiques pour célébrer la créativité et la résilience des communautés 2SLGBTQIA+.
Encore aujourd’hui, le Festival Fierté Montréal continue d’amplifier les voix des communautés 2SLGBTQIA+ afin d'assurer leur représentation, leur inclusion et la reconnaissance de leurs droits dans la société.
* Certaines informations proviennent d’un texte que le journaliste Richard Burnett avait rédigé pour Fierté Montréal dans le cadre de la 10e édition du Festival en 2017.