Les célébrations de la Fierté se veulent des espaces inclusifs et représentatifs de la grande diversité des communautés queer. Parmi cette diversité, les communautés kinks et BDSM occupent une place riche d'histoire et de contributions. Cependant, leur présence suscite encore des débats. Certain·e·s remettent en question la présence des kinks dans l’espace public, considérant ces pratiques comme inappropriées ou choquantes, tandis que d'autres défendent leur inclusion comme une composante essentielle de l'histoire et de l'identité queer.
Cet article explore les racines de ces controverses, met en lumière les contributions historiques des communautés kinks et défend l'importance d'une Fierté inclusive et représentative de toute la diversité des communautés 2SLGBTQIA+.
Kink et identité queer : au-delà de la sexualité
Les communautés 2SLGBTQIA+ et les communautés kink partagent des luttes et des aspirations communes en tant que sexualités minoritaires. Ces communautés se construisent autour de processus politiques et identitaires qui sont intrinsèquement liées et se renforcent mutuellement.
« Les deux communautés font encore face à de la stigmatisation : plusieurs personnes préfèrent cacher leur côté kinky, de peur de perdre leur emploi ou de se faire juger par leurs pairs, de la même façon que les personnes 2SLGBTQIA+ cachent parfois leur orientation sexuelle ou identité de genre.
»
— Fox Lepup
Membre de la communauté puppy
Sur le plan politique, elles revendiquent la décriminalisation ainsi que la normalisation sociale de pratiques sexuelles diverses, puis, sur le plan identitaire, elles s’opposent à l’hétéronormativité - cette dernière étant définie comme une sexualité traditionnelle et génitalo-centrée.
« De manière plus académique, on pourrait dire que les deux communautés font face au même défi face à l’ordre sexuel normatif : on doit faire valoir que nos sexualités sont légitimes, consensuelles et libératrices, même si elles n’ont pas lieu dans le cadre d’un couple hétérosexuel monogame visant la reproduction.
»
— Fox Lepup
Membre de la communauté puppy
Les critiques envers les représentations kinky aux festivités de la Fierté, jugées inappropriées ou nuisibles, révèlent souvent un double standard face à l’acceptation de comportements hétérosexuels explicites en public et ainsi que des préjugés à l’encontre des identités queer et kink. Pourtant, ces représentations peuvent être une opportunité d’éducation et de sensibilisation, plutôt qu’une menace.
D’ailleurs, ces modes de vie ne se limitent pas à des pratiques sexuelles : ils reposent sur des valeurs profondément enracinées, comme le consentement éclairé, la confiance, et le concept de familles choisies (Pour en savoir plus sur quelques-unes de ces communautés et leurs pratiques, écoute cette vidéo). Ces principes, également centraux dans les communautés 2SLGBTQIA+, confirment une chose : les liens entre les communautés kink et queer ne sont pas anecdotiques, ils sont historiques et symboliques.
L’héritage kink au cœur des luttes 2SLGBTQIA+
Bien avant l’apparition des défilés de la Fierté, les espaces de rassemblements 2SLGBTQIA+ ont été essentiels à l’émancipation des personnes queer. Ces lieux de rencontre, bien au-delà des simples bars, incluaient des bains publics, des donjons et même des toilettes publiques. Ces espaces, souvent à l’écart des regards, permettaient d’explorer la sexualité, de créer des liens et de bâtir une communauté soudée. Ils répondaient à un besoin vital dans une société où les identités queer étaient encore plus marginalisées qu’elles ne le sont aujourd’hui. Au cœur de ces espaces alternatifs, les communautés cuir et kink se sont distinguées par leur rôle emblématique, en incarnant une solidarité et une résilience qui allaient bien au-delà des pratiques sexuelles.
Cette solidarité s’est également révélée durant la crise du sida. À une époque où les personnes 2SLGBTQIA+ faisaient face à une stigmatisation généralisée et à un isolement croissant, les membres de la communauté cuir ont été parmi les plus actif·ive·s dans les efforts de soutien. Iels ont organisé des événements BDSM pour collecter des fonds destinés aux soins médicaux, se sont investi·e·s comme soignant·e·s et, dans bien des cas, ont été les seules personnes à offrir du contact humain et de l’affection aux malades. Ces gestes d’empathie et de compassion ont non seulement aidé des milliers de personnes, mais ils ont également renforcé les liens intercommunautaires et affirmé le rôle crucial de la culture kink au sein de batailles queer. (1)
Parallèlement, des militant·e·s issu·e·s de la scène kink, comme les groupes Lesbian Sex Mafia et Samois, actifs dans les années 1970 et 1980, ont non seulement milité pour les droits 2SLGBTQIA+, mais également pour un féminisme radicalement inclusif, valorisant une sexualité libre, positive et donc, sans tabou relié aux préférences sexuelles.
Plus largement, la culture BDSM a été une force motrice dans la libération sexuelle des communautés 2SLGBTQIA+. En intégrant des pratiques souvent marginalisées dans les discours sur la diversité, elle a permis de combattre les stigmas liés à la sexualité et de célébrer les multiples facettes des expériences queer. Ces initiatives ont ouvert la voie à une reconnaissance accrue des diversités sexuelles et à une redéfinition des espaces queer, le tout comme quête commune d’inclusion, de reconnaissance et de résilience face à l’oppression. (2)
Honorer la diversité - La place essentielle du kink dans la Fierté
Fierté Montréal s'engage activement à inclure les communautés kinks et BDSM dans ses activités et événements. Pendant le Festival Fierté Montréal, un kiosque de sensibilisation, conçu en collaboration avec Kinkster Land, permet au grand public de mieux comprendre ces pratiques dans un cadre informatif et bienveillant.
« Il y a des voix qui tendent à devenir plus fortes pour avoir une fierté plus "Family Friendly", ce qui mène qu'à exclure les kinksters et ce peu importe leur décorum. (…) À mes débuts, c'est justement la présence de ceux-ci dans la parade qui m'a tant inspiré à observer la sexualité alternative et y explorer mon identité.
»
— Équipe de Kinkster Land
Regroupement d'organismes du monde du kink et du BDSM au Québec.
Par ailleurs, nous soutenons des projets communautaires développés et mis en place par et pour les communautés kink, tels que le Weekend Pup Montréal, qui inclut des événements comme la Kink WoofMTL, la Dance Pawty et le Concours Pup Montréal, des initiatives qui célèbrent la diversité au sein des communautés 2SLGBTQIA+. Également parmi les projets supportés par Fierté Montréal, la page https://humanpet.info/fr/ créée par Knotty Pup a pour but de démystifier le pet play, notamment en adressant l'enjeu de la façon de l'aborder face aux personnes de tout âge.
Enfin, la présence de contingents représentant les communautés cuir, latex et puppy au Défilé de la Fierté, arborant fièrement leurs drapeaux, incarne notre volonté de donner une visibilité à toutes les identités au sein des communautés 2SLGBTQIA+.
« Nous existons dans l'univers 2SLGBTQIA+. Nous ne pouvons pas nous effacer de l’espace public. Par contre, nous pouvons volontairement sacrifier certains de nos privilèges pour marcher aux côtés des autres communautés pour leurs luttes identitaires fondamentales. »
— Sam Knottypup
Membre de la communauté puppy
La Fierté est bien plus qu'une célébration festive : c’est un acte de revendication et de visibilité pour toutes les identités queer. Exclure la culture kink, c’est nier leur rôle crucial dans l’histoire et la diversité des communautés 2SLGBTQIA+. En les intégrant pleinement, nous rendons hommage aux origines radicales de la Fierté et rappelons que la lutte pour nos droits passe aussi par la liberté sexuelle et l’expression individuelle.
