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Nouvelle

Ensemble pour ne pas reculer

Simon Gamache

Directeur général

Écrit le

Voilà maintenant plus de trois ans qu’une nouvelle équipe administrative est entrée en poste chez Fierté Montréal. Œuvrer pour une telle organisation n’est pas banale. L’humilité, l’écoute et l’empathie sont essentielles; le confort et la routine n’existent pas. Mes collègues et moi travaillons quotidiennement dans le but d’amplifier les voix des communautés 2SLGBTQIA+ en collaboration avec une multitude d’organisations qui ont des missions, des perspectives et des tactiques très diverses. Travailler pour les communautés, avec autant de monde – près de 350 parties prenantes – est très exigeant, mais incroyablement stimulant.

Nous sommes en dialogue constant avec les secteurs associatifs, artistiques et culturels, touristiques et économiques, des sociétés d’état, des entreprises et – d’abord – le milieu communautaire 2SLGBTQIA+ d’où émergent depuis 2023 les membres votant·e·s à notre assemblée générale. Nous comptions 15 membres individuel·le·s en 2021; nous regroupons maintenant 133 organisations membres, dont 74 membres communautaires. En fait, ce type de gouvernance, regroupant une telle diversité de parties prenantes est, à notre connaissance, unique dans l’écosystème international des fiertés.

Mais pourquoi travailler avec autant de monde? Parce que nous croyons fondamentalement que nous ne pouvons mettre de côté quiconque souhaite contribuer à la représentation, l’inclusion et la reconnaissance des droits des personnes 2SLGBTQIA+ dans la société.

Nous avons besoin que les organismes de défense des droits 2SLGBTQIA+ se battent pour les communautés. Nous avons besoin que les organismes en intervention rejoignent le nombre grandissant de personnes nécessitant leurs services. Nous avons besoin de compagnies qui s’affichent fièrement en tant qu’alliées des communautés. Nous avons besoin que les diasporas montréalaises nous sensibilisent aux reculs des droits des communautés de la diversité sexuelle et de genre ici et ailleurs dans le monde. Nous avons besoin d’institutions artistiques qui programment des artistes et des œuvres queer. Nous avons besoin des comités en entreprises qui s’assurent que la dignité de personnes issues des communautés y soit respectée.

Mais qu’y a-t-il derrière ces groupes et ces organisations? Des personnes, très souvent 2SLGBTQIA+, qui méritent qu’on respecte leur dignité. Ce sont à elles que mon équipe et moi parlons à tous les jours. Et non à des logos.

Que fait Fierté Montréal dans tout ça? Quelle est notre tactique? Nous offrons une plateforme pour tout ce monde. Via le Défilé de la Fierté, les Journées communautaires, le Festival, la production de contenus, des ententes de visibilité, du soutien à des projets communautaires, de l’appui en expertise évènementielle ou encore du réseautage.

Je sais qu’en lisant ceci certain·e·s s’objecteront affirmant que nous allons trop ou pas assez loin. Il n’y a pas de consensus au sein des communautés quant aux priorités du mouvement de défense des droits des personnes de la diversité sexuelle et de genre, et encore moins sur ce que devrait être Fierté Montréal et le rôle qu’elle devrait jouer dans ce mouvement. Stonewall version 2025 ou le plus gros party de l’année?

Le mouvement des fiertés à Montréal s’est développé progressivement en un grand festival. Dès la première marche militante en 1979, on organisait en parallèle des activités artistiques. En 1993, dans le contexte de l’émergence des grands festivals montréalais, Divers/Cité a proposé de structurer tout cela, des subventionnaires et commanditaires se sont graduellement ajoutés. À partir de 2007, Fierté Montréal a progressivement pris le relais. Ce qui fait qu’aujourd’hui les subventionnaires publics nous financent pour stimuler la culture, le tourisme, le développement économique – et, indirectement, l’avancement social. Dit autrement, le financement public perçu par Fierté Montréal ne vient pas des mêmes sources gouvernementales que celui reçu par les organismes communautaires - Fierté Montréal est financé en tant que festival. Or, ces aides gouvernementales ne représentent que 31% de nos revenus. En effet, 24% de nos fonds viennent de nos commanditaires, 11% de revenus de programmation, 7% de revenus d’opérations et près de 27% sont des apports divers en biens et services nous permettant de réduire les dépenses directes. Tout cela, pour un budget de plus de 7 millions de dollars.

Je n’écris pas ceci pour glorifier un « gros » budget ou convaincre qu’il coûte cher de produire un festival, mais simplement pour démontrer que c’est là où est rendu Fierté Montréal en 2025. Bien humblement, je crois que ça devrait être une source de fierté collective que les communautés aient accès à une telle plateforme de visibilité. D’autant plus, comme je l’ai illustré plus haut, que nous avons restructuré notre gouvernance pour que des perspectives différentes soient entendues afin que notre organisme puisse évoluer, en toute contemporanéité, dans le contexte sociétal.

Je répète, il n’y a pas de consensus sur ce que devrait être Fierté Montréal – et parfois, s’ajoute un manque de compréhension quant à ce que nous sommes. Ceci nous appartient comme organisation, à nous de mieux expliquer notre boulot.

Malheureusement, il y a parfois des dérapages, il arrive qu’on nous accuse de plein de choses. Depuis le printemps dernier, certaines de ces accusations sont devenues très publiques, incitant parfois à la haine envers nous. Envers notre équipe. J’observe des employé·e·s, des membres du conseil d’administration, des contractuel·le·s et des bénévoles, qui travaillent avec acharnement pour faire avancer notre mission, se faire cibler personnellement ou collectivement et en souffrir. Je dirige des équipes depuis plus de 15 ans; je n’ai jamais rencontré un tel défi sur le plan humain. C’est inacceptable.

J’ai longtemps espéré qu’on comprendrait que Fierté Montréal travaille avec lucidité dans un monde imparfait afin de le faire évoluer, et ce, sans tomber dans des discours extrêmes ou qui divisent. Il semble que cet espoir était naïf. Je réponds donc directement aux accusations les plus fréquentes.

« Fierté Montréal est riche. »

Fierté Montréal traine un boulet financier depuis des années, nous obligeant à suivre un plan strict de redressement financier depuis deux ans. La taille du budget est adaptée à l’ampleur de nos activités. Il n’y a aucune dépense frivole. Le nombre actuel d’employé·e·s n’est pas suffisant pour répondre à l’ampleur des attentes des communautés, ce qui nous oblige à faire évoluer rapidement notre modèle d’affaires et de réaménager certaines dépenses pour créer des postes. Fierté Montréal est un organisme à but non lucratif qui produit un Festival très majoritairement gratuit, offrant plus d’une centaine d’activités chaque année.

« Fierté Montréal est blanche. »
« Fierté Montréal est raciste. »

Depuis 2022, plus de 60% des artistes apparaissant sur nos scènes sont des personnes racisées. Des événements mettant en valeur la richesse de ces communautés sont systématiquement proposés. Le conseil d’administration est majoritairement formé de personnes racisées, dont le président, la personne secrétaire et le trésorier, ainsi que trois présidences de comité. Au sein de l’équipe administrative, deux rôles de direction sont occupés par des personnes racisées. Alors que nous créons de nouveaux postes, nous allons proactivement à la rencontre des communautés racisées afin de diversifier progressivement l’équipe. Une part importante de nos 500 contractuel·le·s et 300 bénévoles sont issu·e·s des communautés racisées; bien que nous n’ayons pas encore de données probantes en ce sens, nous visons à mettre en place des sondages volontaires d’autoidentification dès cette année afin de suivre l’évolution de notre main d’œuvre. Une formation anti-oppression est offerte à chaque année à toutes les équipes du Festival.

« Fierté Montréal est cis. »

Dès 2022, environ 20% des artistes sur nos scènes s’identifiaient comme trans ou non binaire. Cette proportion se maintient d’année en année, avec un renouvellement constant des artistes. La programmation du Festival propose certains événements faits par et pour les communautés trans. Le conseil d’administration et l’équipe permanente comptent des personnes trans et non binaires, tout comme l’équipe contractuelle du Festival.

« Fierté Montréal encourage le pinkwashing. »

Toute organisation qui s’associe à Fierté Montréal doit démontrer un engagement authentique envers les droits et le respect de la dignité des personnes 2SLGBTQIA+. Nous nous assurons que les organisations s’engagent véritablement auprès des communautés, sans chercher à exploiter les causes 2SLGBTQIA+ uniquement pour améliorer leur image. Nous n’entamons aucune entente de partenariat sans avoir des discussions approfondies à ce sujet. Depuis récemment, nous avons mis en place un cadre d’analyse et d’inventaires de nos partenaires afin d’observer leurs avancements en matière d’équité, de diversité et d’inclusion. Lorsqu’une entreprise n’est pas mure pour une alliance avec Fierté Montréal, il nous arrive de les rediriger vers des organismes offrant des formations ou, tout simplement, d’interrompre les discussions.

« Fierté Montréal est capitaliste. »

Nous vivons, nous toustes, dans un monde capitaliste, un système brisé qui accroit les inégalités. Fierté Montréal est née et continue d’évoluer dans ce monde. Plutôt que de l’ignorer, nous décidons en toute lucidité de travailler dans ce système afin de contribuer à réduire ces inégalités. Ceci passe d’abord par la redistribution de la richesse afin d’organiser un festival, des projets communautaires et des initiatives artistiques et culturels qui célèbrent la créativité et la résilience de nos communautés. Ce qui, d’ailleurs, est pleinement compris et assumé par nos partenaires financiers.

« Fierté Montréal est sioniste. »
« Fierté Montréal finance des organisations israéliennes. »

Fierté Montréal ne finance aucune organisation israélienne, ni aucune organisation internationale. Fierté Montréal ne prend pas position politiquement au niveau international. Nous sommes à l’écoute des communautés 2SLGBTQIA+ locales qui souffrent directement ou indirectement de bouleversements et conflits géopolitiques et demeurons solidaires dans un cadre sécuritaire et bienveillant. Ceci inclut la sécurisation de ces personnes lorsqu’elles participent à nos activités. L’été dernier, des groupes pro-palestiniens queer locaux et des groupes juifs queer locaux souhaitaient prendre part au Défilé de la Fierté qui, rappelons-le, demeure une forme de manifestation rassemblant des personnes de tout horizon. La solidarité passant par la sécurisation de toutes les personnes, nous avons offert aux deux groupes un soutien supplémentaire en sécurité afin qu’ils puissent défiler et s’exprimer de manière sécuritaire. Fierté Montréal comprend et salue la volonté des membres des communautés 2SLGBTQIA+ qui ont pris action dans le but d’influencer les preneur·euse·s de décision.

« Fierté Montréal encourage la brutalité policière. »
« Fierté Montréal est anti-police. »
« Fierté Montréal est pro-police. »

Fierté Montréal est une organisation pacifiste et humaniste qui croit au respect de la dignité de toute personne. Afin d’assurer la sécurité des communautés pendant le Festival, dans le cadre de notre entente de soutien technique avec la Ville de Montréal, nous bénéficions de l’appui du SPVM, notamment des postes de quartier, de la planification opérationnelle, des mesures d’urgence ou encore du Module des incidents et des crimes haineux. Dans le contexte sociétal actuel, il est impossible pour un festival d’abord conçu pour des personnes marginalisées d’assurer seul la sécurité d’un achalandage de près de 800 000 participant·e·s. À cela s’ajoute de multiples autres mesures de sécurité privée. Le SPVM est un important allié opérationnel et stratégique de Fierté Montréal. Nous apprenons l’un de l’autre, sans oublier les erreurs du passé, afin d’améliorer le soutien aux communautés de la diversité sexuelle et de genre.

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Nous avons toléré beaucoup de désinformation au sujet de Fierté Montréal au cours de la dernière année. C’était une erreur, nous aurions dû y répondre. Plusieurs collègues des organismes communautaires sont venu·e·s à notre rencontre, démoralisé·e·s par ces discours, souhaitant nous appuyer, mais nous suppliant d’abord de parler. C’est ce que nous allons maintenant faire en cas de désinformation. La critique constructive, quant à elle, sera toujours bienvenue.

La liberté d’expression est un droit; la désinformation est un danger.

Dans le contexte actuel de négation de l’identité des personnes trans et non binaires, de recrudescence de l’intimidation et de polarisation dans les écoles, du sacrifice de la vérification des faits sur les réseaux sociaux, de discours perturbants de leaders politiques de notre côté de la frontière, de recul très réel de droits des communautés un peu partout sur la planète, Fierté Montréal appelle à la solidarité au sein des communautés.

Nous n’avons pas à nous entendre sur tout, mais nous espérons que, minimalement, toustes respectent la dignité des personnes et la diversité des tactiques. Autrement, nous offrons des munitions aux forces racistes, sexistes, transphobes, lesbophobes, homophobes, biphobes, sérophobes et anti-droits de la personne.

L’heure est trop grave pour se diviser.

Simon Gamache
Directeur général, Fierté Montréal